Figure bien connue du monde des véhicules anciens, Xavier Hory est de ces passionnés qu’on reconnaît de loin. Ce collectionneur est aussi à l’aise derrière le volant d’un utilitaire d’époque qu’en uniforme de gendarme pour faire la circulation lors d’une manifestation. Toujours entouré de passionnés, souvent accompagné de ses camarades de l’Association du Patrimoine et des Traditions de la Gendarmerie (APTG). Xavier incarne à lui seul une mémoire vivante du patrimoine roulant français.

Sa collection compte aujourd’hui entre 90 à 95 véhicules, allant des années 1950 aux années 2000. Tout a commencé avec une Citroën 2CV, acquise à 18 ans. Depuis, la collection s’est enrichie au fil des trouvailles et des coups de cœur : poids lourds, utilitaires, tracteurs, véhicules de secours, véhicules de gendarmerie, berlines imposantes, corbillards et même un véhicule amphibie.
« J’aime les véhicules qui racontent une histoire, même ceux que certains trouvent moches », confie Xavier. Et il faut bien l’admettre, sa collection, aussi hétéroclite soit-elle, a une cohérence : elle retrace une partie du patrimoine routier français, souvent oublié. Ses amis, amusés, ont d’ailleurs surnommé l’ensemble « le musée des horreurs ».
Dès son plus jeune âge, Xavier rêvait de plusieurs métiers : gendarme, transporteur ou agriculteur. La santé l’a empêché de devenir gendarme, l’absence de terres de s’installer comme agriculteur ; il est donc devenu transporteur routier, un métier qui lui a permis de rester proche de sa passion pour les véhicules.
Mais le destin a de l’humour : à travers l’APTG, il côtoie désormais des gendarmes, participe à des cérémonies, journées portes ouvertes et autres reconstitutions historiques. « D’une certaine manière, je vis aujourd’hui mon rêve d’enfant », admet-il.



Une collection qui mélange l’ordinaire et l’extraordinaire
Dans les allées de son hangar, les modèles se succèdent. Ici, une Renault 12 héritée de la famille, « dans son jus ». Là, une Trabant bleue ciel, rescapée de l’Allemagne de l’Est, au moteur deux temps de 594 cm³ et à la carrosserie en Duroplast, ce plastique renforcé de coton inventé pour pallier le manque d’acier.







Un peu plus loin, c’est une Peugeot 404 ambulance de 1967, à peine 20 000 km au compteur, ou encore une Visa Club de 1987 qui affiche fièrement 40 000 km. La diversité impressionne : on passe sans transition d’une Renault 5 décorée façon “SOS Médecin” à un camion incendie opérationnel, prêt à répondre à un appel si besoin.
La diversité de sa collection est saisissante : un camion tireur-pousseur capable de déplacer 180 tonnes, une Renault Clio Baccara, un Citroën C15, une Renault 20 TL automatic, une Fiat Panda, une Jeep, une DAF 33 Variomatic, un Renault Espace, une Renault 5, une Lada Samara, sans oublier les véhicules sans permis ou les tracteurs agricoles. Et puis, trônant au fond d’un atelier, une Berliet de 1938 en cours de restauration mécanique. « C’est ma seule voiture d’avant-guerre, une 6 glaces, 5 places avec un hayon qui s’ouvre en deux parties », raconte Xavier.












Et puis il y a ce Poncin amphibie, engin insolite motorisé par un bloc de 2CV. Homologué pour la route, il avance sur l’eau à 3 km/h, propulsé non par une hélice, mais par ses propres roues. Il y a également l’étrange, le décalé, le “moche” même, comme il dit. Sa Citroën XM break corbillard, par exemple, attire autant la curiosité que le malaise.

Il y a aussi les véhicules qui racontent le quotidien d’autrefois. L’un des plus touchants est sans doute une Estafette transformée en épicerie ambulante. À l’intérieur, tout a été reconstitué : les boîtes métalliques Kub Or, Banania, Viandox, les lessives d’époque, les magazines Télé Poche et Science & Vie, et même un exemplaire ancien du journal local.











Autre clin d’œil à la France des commerçants : un Renault Master de 1995, ancien camion du magasin Constantin Confection en Haute-Saône. Aujourd’hui, il sert à Xavier pour exposer sa collection de vêtements vintage. Astucieusement carrossé, le camion possède une partie latérale qui s’ouvre pour se transformer en véritable stand. À l’intérieur, des étagères en bois accueillent chemises et chapeaux, tandis que des portants métalliques exposent les vêtements suspendus : tout y est pour recréer l’ambiance des marchés d’autrefois.






Au fond du hangar, une collection de cyclomoteurs complète le tableau : du Solex au Peugeot à vitesses, chacun d’eux rappelle ces années où l’on allait travailler, en blouse grise, le vent dans les cheveux et le panier sur le porte-bagages. Ces deux-roues, souvent les premiers véhicules d’une génération entière, racontent à leur manière la France d’après-guerre et du plein emploi, celle qui roulait simple et fière sur les départementales.

Les véhicules de gendarmerie : une mémoire bleue
Dans le hangar de Xavier, l’atmosphère change du tout au tout dès que l’on s’approche de la section gendarmerie. Ici, les gyrophares bleus, les casques de motard de la gendarmerie, képis, épaulettes, écussons et les véhicules alignés racontent l’histoire d’une des plus anciennes institutions françaises.
Xavier ne s’est pas contenté d’accumuler des véhicules : il a recréé une brigade complète. Dans cette reconstitution, chaque détail compte : machine à écrire, tampons officiels, dossiers d’entraînement, uniformes dans le placard, porte de cellule authentique. Des documents d’archives, allant de 1857 à 1969, côtoient le Traité Toutes Armes (TTA), guide indispensable des gendarmes de l’époque.







Au cœur de la collection, l’Alpine GTA bleue de 1986 attire tous les regards. Ce véhicule faisait partie d’une série de huit voitures prêtées par Renault à la Gendarmerie pour des tests sur autoroute dans les années 1980. L’exemplaire de Xavier a parcouru 75 000 kilomètres en seulement un an et demi, avant d’être restitué à Renault et vendu dans le circuit d’occasion.
Lorsque Xavier l’a acquise, la voiture avait perdu son identité : plus de sigle, plus de gyrophares, et les trous laissés par les équipements originaux rebouchés au mastic. Grâce à des photos d’époque et au soutien du Musée de la Gendarmerie nationale, l’Alpine a été rééquipée exactement comme à l’origine. Le gyrophare, modèle spécifique fabriqué pour les huit modèles d’Alpine GTA, a été retrouvé chez un de ses amis collectionneur. Aujourd’hui, l’Alpine est parfaitement restaurée et prête à reprendre la route, fidèle à son passé autoroutier.




Non loin, un véhicule blindé de commandement mobile témoigne d’une autre facette du métier : le poste de commandement itinérant. L’arrière du véhicule est équipé d’émetteurs-récepteurs radio, tandis qu’un bureau latéral permet à l’opérateur de travailler sur le terrain. Sorti du Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier, il affiche seulement 42 000 km.
Xavier possède également une Peugeot 405 Turbo 16 exceptionnelle. Seuls 10 exemplaires furent fabriqués pour la Gendarmerie, et deux seulement sont encore connus aujourd’hui. L’exemplaire de Xavier a passé 20 ans arrêté mais reste mécaniquement sain ; un simple lustrage suffira pour lui rendre tout son éclat.







Plus discret mais tout aussi important, le Citroën C8, ancien véhicule de la Garde républicaine, servait à ouvrir le Tour de France. Doté de toutes ses antennes et d’une rampe de gyrophare spécifique retrouvée récemment par Xavier, il est aujourd’hui le dernier C8 ex-gendarmerie en circulation.
La Peugeot 205, provenant d’un peloton d’autoroute, illustre la minutie de la Gendarmerie dans le choix de ses véhicules : livrée en 1989 avec moteur GT et sièges en Sky, elle fut remplacée en 1992 par un modèle avec intérieur GL pour réduire les coûts. Xavier détient l’un des deux exemplaires restaurés, l’autre étant conservé au musée de la Gendarmerie à Melun. Une Twingo, affectée à un service immobilier, complète le panorama, illustrant l’adaptation des véhicules aux besoins variés des unités.
La Renault 4L, mythique et populaire, servait autrefois aux maîtres-chiens. Aujourd’hui, elle est équipée pour les techniciens en identification criminelle : valises pour prélèvements, appareil photo pour indices, matériel pour tester les drogues. Avec 235 000 km au compteur, elle porte les traces de son passé tout en restant parfaitement fonctionnelle. À côté, la Fuego, unique exemplaire testé par la gendarmerie, rappelle les expérimentations et essais ponctuels de véhicules par la gendarmerie, même lorsqu’ils étaient modestes sous le capot.



Pour Xavier, collectionner ne se limite pas à posséder des voitures anciennes ou des véhicules de gendarmerie. Sa véritable passion, c’est de faire vivre ces pièces d’histoire, de les partager avec les passionnés et de raconter les anecdotes qui les rendent uniques. C’est ainsi qu’on retrouve Xavier régulièrement sur différentes manifestations dans la région mais aussi dans des événements nationaux comme Epoqu’Auto, le salon lyonnais incontournable pour tous les amateurs de voitures anciennes. En 2025, il sera présent sur le stand de l’APTG (Association du Patrimoine et des Traditions de Gendarmerie). Contrairement à ses expositions habituelles, il ne présentera pas ses propres véhicules, mais ceux prêtés par le Musée de la Gendarmerie. À l’occasion du Téléthon, il organise également une journée portes ouvertes. En 2025, les passionnés ont rendez-vous le 6 décembre.
À travers sa passion, Xavier Hory fait bien plus que préserver des voitures anciennes : il entretient la mémoire d’une époque, celle du patrimoine automobile français et de la Gendarmerie, et offre à tous l’occasion de voyager dans le temps, moteur tournant et gyrophares allumés.